Valhalla Rising, Nicolas Winding Refn, 2010.
Dans les années 1000 en Europe nordique, One-Eye, guerrier silencieux, mène une vie d'esclave d'une barbarie sans nom depuis toujours. Un jour, délivré de ses chaines et ayant fraichement assouvi sa vengeance envers ses anciens propriétaires, il rencontre des pèlerins Chrétiens ayant pour but de rejoindre leur terre sacrée, Jérusalem. One-Eye, accompagné de sa seule attache, un enfant à la recherche d'un foyer, décide de partager leur route. Ce voyage censé les amener en lieu saint va, hélas pour eux, plutôt s'apparenter à une descente aux enfers...
Mars 2010, je sors d'une salle de cinéma après la projection de Valhalla Rising, vu un peu par curiosité, et Odin sait que ce fut difficile vu le peu de bobines disponibles en France (merci les distributeurs français...). Bref, m'attendant à quelque chose de fortement original de la part du réalisateur de la trilogie Pusher, je dois tout de même avouer ne pas avoir réussi à me faire une idée précise du film après son visionnage. Valhalla Rising se doit d'être abordé avec une approche toute particulière, tant il touche du doigt l'expérimental. Nicolas Winding Refn affirme lui-même que son film se ressent comme une drogue, référence sans doute à son aspect "transe" omniprésent (mais je vous rassure il n'y a pas d'effets secondaires). Ce qui le caractérise en premier lieu, c'est son rythme d'une lenteur ensorcelante. Ne vous attendez donc pas à un film de Vikings bien bourrin transpirant la bataille épique d'un bout à l'autre, comme le laisse supposer la campagne publicitaire autour du DVD. Non, l'épopée de One-Eye se suit sous une certaine pression, un sentiment constant de lourdeur ambiante (mais différent de celui que l'on peut ressentir devant un Western) et une atmosphère apocalyptique assommante. C'est ce point qui m'avait quelque peu rebuté au départ.
Mais il faut avouer que le climat de l'œuvre sert à merveille son propos. Visuellement, Valhalla Rising atteint la félicité, une extase qu'il envoie en pleines mirettes chez le spectateur. Les paysages d'Écosse sont sublimés de telle manière qu'on en viendrait à trouver les mêmes bien moins enchanteurs dans la réalité. Le jeu d'acteur fait preuve d'une théâtralité sobrement efficace, impressionnante chez un héros muet et des protagonistes fanatiques. Les gestes sont parfaitement mesurés, les poses très esthétisées, à tel point que nombre de plans s'apparentent à de véritables portraits. L'histoire est un prétexte, car le film se bâtit essentiellement sur une identité visuelle puissante qui vaut à elle seule le détour, appuyée par un énorme travail sur le son qui offre une ambiance sonore servant elle aussi la transe engendrée par le film. Chaque plan ou presque est magnifique, il faut le dire, et les compositions "musicales" sont d'une oppression étrangement captivante. Cette histoire est quant à elle fortement imagée, et fourmillante d'interprétations possibles dans l'esprit du spectateur, que Nicolas Winding Refn ne semble pas renier.
Mads Mikkelsen, proprement Badass sans prononcer le moindre mot, porte sans problème le film sur ses épaules. Il se retrouve rapidement à errer sans but malgré une liberté fraichement obtenue, mais la rencontre avec ces fanatiques religieux voulant étendre leur croyance comme une épidémie va lui offrir une nouvelle quête, une sorte pèlerinage, dans une version alternative, et la recherche de ses racines. Son jeune compagnon Are, enfant perdu dans un monde bati par le sang et la chair morte, et privé de son innocence, apporte une once de poésie touchante, et une lueur d'humanité à ce personnage de barbare sans état d'âme apparent autre que la haine. Le couple fonctionne parfaitement à l'écran. Valhalla Rising est une fresque subjuguante sur la foi et la folie humaine, fortement liées l'une à l'autre. Le tout baigne dans une noirceur et une violence sans timidité aucune, mais d'une classe visuelle jouissive. Le film s'apparente à une bande dessinée qui prend vie à travers les actes des personnages et non leur dialogues, peu présents durant l'œuvre. Effectivement, si vous vous sentez prêt à vivre l'expérience et si vous vous laissez porter, Valhalla Rising est la drogue parfaite, à consommer sans modération.
"L'enfant a dit qu'il venait des enfers... C'est peut-être là que nous allons."
Tu m'as donné envie de le regarder, c'est même exactement ce qu'il me faut ! I will look for it, thanx !
RépondreSupprimerJ'ai bien fait de dire a mes parents de t'acheter celui là de film, ça m'a permi de le découvrir, et putain ce qu'il est bon ce film. Les paysages sont magnifiques et le personnage de one-eye horriblement attachant même malgrès le fait qu'il ne prononce aucun mot, ou ne fasse transparaître aucune émotion...
RépondreSupprimerJe suis pas d'accord justement, je trouve que Mads fait l'immense performance de parvenir à faire passer les émotions de One-Eye à travers son unique œil (certains de ses regards envers les autres personnages sont plutôt explicites).
RépondreSupprimerNan je trouve pas, les quelques gestes envers Are montrent ses sentiments pour lui, mais si tu regardes bien, finalement, il n'a que des la haine ou de l'indifference pour les autres. Ils le disent bien dans le film, il est porté par la haine. Mais ça s'arrête là. Il n'a pas de regards forcément tendres envers Are. J'avais plus l'impression moi qu'il avait un regard plutôt vide, il a vu et vecu beaucoup de choses pas jolies, et c'est resté ancré en lui, il n'attend plus grand chose, et son mutisme volontaire pour ne plus parler le montre bien. Après comme tu dis c'est MON interpretation. ;)
RépondreSupprimerOuais bah justement, même si c'est que de la haine ou de l'indifférence (je suis d'accord) ce n'est pas "ne faire transparaitre aucune émotion".
RépondreSupprimerBah au final cette haîne tu la sens dans ses actes et non dans son regard :O donc oui je suis d'accord, je me suis mal exprimée dans mon 1er commentaire, ce que je voulais dire c'est que dans son regard/son visage qui est censé être la partie la plus expressive et révélatrice de nos sentiments chez les humains est totalement inexpressif, comme un masque. Tu ne vois rien transparaître sur celui-ci.
RépondreSupprimerMais de par ses actes oui en revanche.
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